Jamais je ne serai rien
Je ne puis vouloir être rien.
Cela dit, je porte en moi tous les rêves du monde.
Fernando Pessoa, ( Bureau de tabac)
Qui suis-je? Moi? Un autre?
Nous pensons en prononçant ces mots à l'expression du philosophe Paul Ricoeur la poésie permet de " se penser soi-même comme un autre ".
Chanson de l'étranger.
Je suis à la recherche
d'un homme que je ne connais pas,
qui jamais ne fut tant moi-même
que depuis que je le cherche.
A-t-il mes yeux, mes mains
et toutes ces pensées pareilles
aux épaves de ce temps?
Saison des mille naufrages,
la mer cesse d'être la mer
devenue l'eau glacée des tombes.
Mais, plus loin, qui sait plus loin?
Une fillette chante à reculons
et règne la nuit sur les arbres,
bergère au milieu des moutons.
Arrachez la soif au grain de sel
qu'aucune boisson ne désaltère.
Avec les pierres, un monde se ronge
d'être, comme moi, de nulle part.
Edmond Jabès. ( Je bâtis ma demeure ) 1943-1957
1 commentaire:
Ah, Fernando Pessoa, la passion que j'ai pour cet écrivain ne faillit jamais... Sa capacité d'hétéronymie me fascine. Quand "je" est déjà un autre, combien de "moi" porte-t-il ainsi en lui, quelle chance... Mais aussi quel gouffre d'angoisses, d'incertitudes qu'il faut être assez cynique pour tourner en certitudes, et fort comme "personne" pour affronter tout cela dans une écriture superbe !
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