lundi 24 mai 2010

Au sujet de Thomas Cazals...

Thomas Cazals : « Comment j’ai Youtubé David Lynch »


« The Transmigration of Donovan Lynch », projeté mardi soir en ouverture du festival Filmer la musique et repris aujourd’hui à 18h au Point Ephémère, fait partie de ces objets filmiques mutants qui détournent des images glanées sur l’Internet (téléphone portable, repiquages TV, appareil photo ou films faits maison) pour fonder une esthétique documentaire povera. Il est signé Thomas Cazals, un artiste fan de SF et de cinéma, qui n’en est pas à son coup d’essai (il est le co-auteur de « l’Oracle de Shepperton », une œuvre interactive en ligne sur le site d’Arte autour de sa tentative de rencontrer J. G. Ballard). Poptronics, qui accompagne le festival de toutes les formes d’images autour de la musique, a rencontré le réalisateur.
Sur son blog, « L’homme à la caméra », Cazals scrute les nouvelles manières de faire des films et de documenter le réel. « Les réalisateurs font toujours les mêmes films », affirme-t-il, lui qui travaille à un documentaire inspiré du film de Godard sur Alphaville, cette ville nouvelle brésilienne des années 70. Ce qui relie J. G. Ballard, Philip K. Dick et aujourd’hui David Lynch chez Cazals, c’est l’idée que les artistes tournent autour des mêmes obsessions. Qui inspirent sans doute leurs œuvres. Et que ces trois-là poursuivent une quête spirituelle « impure » enchâssée dans une recherche des étrangetés du quotidien et une immersion progressive dans les hors-champs du monde post-industriel.
D’une durée plutôt brève (38’), « The Transmigration of Donovan Lynch » propose un regard nouveau sur David Lynch, grâce à un montage d’images exclusivement pêchées sur Youtube, sans que le réalisateur se préoccupe de la question des droits d’auteur, au point que Youtube a refusé, précisément pour cette raison, d’héberger son film... On y voit le réalisateur et son ami Donovan (toujours très flower-power, 40 ans après) très unis dans leur cause commune : la méditation transcendantale purifiant la planète et recréant une harmonie mondiale, le tout au travers de la Fondation David Lynch.
« A l’origine du film, raconte Thomas Cazals, il y a d’abord mon intérêt pour la richesse de Youtube. C’est en faisant des recherches sur Donovan que j’ai découvert ses liens avec Lynch et son implication dans la construction d’écoles de méditation transcendantale à travers le monde. J’ai donc passé une année à rechercher et récupérer des séquences illustrant ce sujet. Un défi technique m’intéressait en premier lieu : peut-on faire un film avec une image de qualité pauvre et un son pauvre ? Et comment passer d’un petit écran à un écran de cinéma ? Je n’ai rien filmé, mais j’ai beaucoup travaillé sur l’emboîtement des séquences. Cela donne un portrait ambigu des activités de Lynch et Donovan. Celui-ci va créer une université de méditation en Ecosse. Et quand Lynch a rencontré Nicolas Sarkozy pour recevoir le titre de Chevalier des Arts et des Lettres, il en a profité pour lui parler d’une tour de l’invincibilité qu’il souhaiterait construire à Paris ! C’est donc très sérieux pour lui, un véritable investissement, à 200%. »



Donovan et David Lynch fêtent les 91 ans du Maharishi Mahesh Yogi (extrait des documents sur Youtube qui ont servi à Thomas Cazals) :



Le film de Thomas Cazals enchaîne et mixe séquences anecdotiques (les Youtube fans reprenant des chansons de Donovan) et fortes, dont certaines ont été retirées de Youtube depuis. L’une d’elles, très polémique, montre Lynch prenant la défense d’un représentant de l’organisation Urania qui tient des propos plus que douteux sur l’Allemagne invincible du Troisième Reich : une séquence à retrouver sur le blog du réalisateur.
Nate et Matt croisent David Lynch (et une vache), extrait des vidéos Youtube qui ont servi à Thomas Cazals) :
« Mon autre démarche avec ce film était technique : essayer d’organiser le bordel de Youtube, en me posant justement la question de comment “filmer la musique”. Dès qu’on travaille les images de Youtube, elles partent en lambeaux, il est impossible de les améliorer. Pour le montage de mon film, j’ai donc dû utiliser un logiciel français, développé par Simon Vrel, Get Tube, qui permet de passer des formats utilisés par Youtube (Flash ou MP4) à une qualité proche de la DV. Ensuite j’ai utilisé une logiciel de montage classique. Ce film est le fruit d’un fantasme d’œuvre collective. Je pense que la technologie, la technique, les techniciens, peuvent être remplacés par un collectif. »
benoît hické



1 commentaire:

Mabes a dit…

très intéressant, "lynchien" !